Le décès, le mercredi 15 octobre, de Soumana Sako met subitement la lumière sur la perte vertigineuse de cadres qui ont marqué de leur parcours professionnel et/ou politique l’histoire contemporaine du Mali.
En effet, l’ancien Premier ministre est la quatrième personnalité de rang rappelé à Dieu pour ce seul mois d’octobre après les disparitions successives de l’ancien ministre Me Hassane Barry, l’ancien député élu à Ségou Abdoul Galil Mansour Haïdara (le même jour, 2 octobre), et Me Amidou Diabaté, ancien ministre. Eux-mêmes étaient juste devancés par l’ancien ministre Ibrahima Ndiaye dit Iba le 6 juin et l’ancien ministre et président de parti Tiébilé Dramé le 12 août. C’est une fin d’année funeste pour l’échiquier politique du Mali. Cependant, leur héritage devrait inspirer les générations actuelles et futures, en quête de repères solides dans un monde en mutation perpétuelle.
Les Maliens se sont réveillés le matin du mercredi 15 octobre 2025 avec la triste nouvelle du décès de Soumana Sako. Au-delà du Mali, c’est l’Afrique et même le monde qui perdent un homme compétent, honnête et très rigoureux dans le travail.
Né en 1950 à Nyamina, dans la région de Koulikoro, Soumana Sako a obtenu le DEF en juin 1967 (centre d’examen de Mopti) et le baccalauréat en juin 1970 (lycée Askia Mohamed), se classant dans les deux cas premier au Mali.
Diplômé de l’Ecole nationale d’administration du Mali (ENA), il est titulaire d’un master en planification de gestion de projets et d’un Ph. D. en économie du développement (avec mention H, la plus haute distinction académique) décernée par l’Université de Pittsburgh, Pennsylvanie (Etats-Unis). Ministre des Finances sous le régime de Moussa Traoré entre 1986 et 1987, Soumana Sako est nommé Premier ministre par Amadou Toumani Touré et dirige le gouvernement de Transition entre le 4 avril 1991 et le 8 juin 1992. Il fut secrétaire exécutif de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF), à Hararé, au Zimbabwe.Candidat à l’élection présidentielle de 1997, il retire sa candidature comme d’autres responsables de l’opposition pour protester contre les fraudes. Pour les élections présidentielles de 2002 et 2007, il soutient la candidature d’Amadou Toumani Touré. Au plan politique, Soumana Sako crée la Convention nationale pour une Afrique solidaire (Cnas/Faso-Yèrè). Le 18 décembre 2011, il est investi par ce nouveau parti candidat à l’élection présidentielle de 2013 gagné par feu Ibrahim Boubacar Kéita. Il aura donc patienté dix ans, exilé à Harare (Zimbabwe) par ses fonctions de secrétaire exécutif de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique-ACBF. Son ancien directeur de cabinet, Harouna Niang (également ancien ministre) le qualifie d' »homme d’Etat exceptionnel, une conscience pour l’Afrique ». « Soumana Sako incarnait les valeurs que notre pays chérit et dont il a cruellement besoin aujourd’hui encore : l’intelligence stratégique, nourrie d’une profonde connaissance de l’Etat et de la société malienne ; l’intégrité et la droiture, qui faisaient de lui une référence morale incontestée ; le patriotisme sincère, animé par la seule volonté de servir le Mali ; le sens élevé du devoir public, qui guidait chacun de ses choix et de ses actes ; l’efficacité et l’efficience dans la gestion des affaires publiques, qui lui ont valu respect et admiration au-delà des clivages politiques », écrit-il sur sa page Facebook.
Les obsèques de Soumana Sako sont prévues pour demain samedi 18 octobre à 16 h à Faladié, près du lycée Le Progrès.
La semaine d’avant, exactement le vendredi 10 octobre, c’est un autre baobab de la scène politique malienne qui s’était couché à l’âge de 74 ans, en l’occurrence Me Amidou Diabaté.
Personnalité aux multiples facettes, il était une figure influente, reconnue à la fois dans les sphères politique, juridique et académique du pays. Me Diabaté s’est illustré tout au long de sa carrière comme un ancien ministre de la Justice, un avocat émérite au Barreau malien, et un ancien député. Il fut également l’un des membres fondateurs d’anciens partis politiques majeurs tels que le Cnid/Faso yiriwa ton et le Parena. Natif de Kita, Me Diabaté a mené un parcours académique et professionnel exceptionnellement riche. Diplômé de l’Ecole nationale d’administration du Mali (ENA) promotion 1970-1974, il a ensuite complété sa formation avec un diplôme de l’Ecole de magistrature de Bordeaux et un doctorat de troisième cycle en France.
Ses convictions politiques étaient si profondes qu’en 1991, il a fait le choix de démissionner de la magistrature, renonçant à ses avantages, pour se consacrer au Barreau et mieux défendre ses idéaux. Il fut un député du cercle de Kita entre 2007 et 2012 et se présenta à nouveau aux législatives de mars 2020 sous la bannière Parena-ADP/Maliba. En tant qu’homme d’Etat, il a servi à deux reprises comme ministre de la Justice et garde des Sceaux au sein de différents gouvernements de la République du Mali.Amidou Diabaté était un homme de conviction et un patriote dont le dévouement à son pays restera un exemple pour les générations futures. La levée du corps a eu lieu le samedi 11 octobre à 16 h, à son domicile à Baco-Djicoroni.
Au début du même mois, plus précisément, le jeudi 2 octobre, la Nation perdait coup sur coup deux figures emblématiques : Me Hassane Barry et Abdoul Galil Mansour Haïdara.
Me Hassane Barry, avocat de renom, ancien ministre et ancien ambassadeur de la République du Mali en Guinée, a tiré sa révérence à la suite d’une crise cardiaque, plongeant le pays dans une profonde tristesse, tant son nom évoquait courage, intégrité et engagement au service de la nation.Natif du village de Diankabou, dans le cercle de Koro, Me Hassane Barry a toujours gardé un attachement indéfectible à ses racines. Avocat respecté, il s’est imposé au Barreau malien par sa rigueur, son éloquence et son sens aigu de la justice. Son parcours l’a mené bien au-delà des prétoires : il fut tour à tour ministre, diplomate et conseiller écouté, toujours guidé par une passion sincère pour le Mali et pour ses concitoyens. Cheville ouvrière de l’ancien parti UDD pendant de longues années, il y a assuré plusieurs postes stratégiques dont celui de président.Au-delà de sa carrière juridique et politique, Me Barry s’est illustré comme une figure influente de la communauté peule et un pilier de l’association Tabital Pulaaku Mali, où il a joué un rôle déterminant dans la préservation et la promotion de la culture. Il a également œuvré pour le dialogue et la cohésion sociale, défendant ardemment l’unité nationale dans un contexte souvent marqué par des tensions communautaires.
Hassane Barry a été inhumé le 4 octobre, et repose au cimetière de Kalaban.
Quant à Abdoul Galil Mansour Haïdara, sa disparition fut la plus choquante, une véritable tragédie. En effet, l’ancien député sous le régime de feu le président Ibrahim Boubacar Kéita et promoteur de la chaîne locale Ségou-TV, a été lâchement assassiné par des terroristes aux environs de 16 h, sur l’axe Bamako-Ségou. Homme de Dieu humble, fidèle et solidaire, il laisse derrière lui l’image d’un grand patriote et d’un modèle en Islam.Adepte et fervent pratiquant de la tariqa Tidjani, Abdoul Galil Mansour Haïdara a marqué son époque par son attachement aux valeurs de foi, de droiture et de fraternité. Toujours proche des populations, il s’est distingué par son dévouement à la cause commune et son souci constant de la jeunesse.Il a beaucoup œuvré à Ségou dans les domaines de la santé, de l’éducatif et de l’information, notamment avec la création de Ségou-TV, première chaîne privée régionale au Mali. Ségou-TV est une plateforme médiatique qui a contribué à donner une voix et une visibilité à la région. Personnalité respectée, il avait marqué par son attachement aux valeurs de justice et de développement local. Il a également contribué à la construction de châteaux d’eau et mené de nombreux projets de développement local. Il a été inhumé le dimanche 5 octobre dans l’enceinte familiale à côté de son défunt père.
Cinquante jours avant Hassane Barry et Mansour Haïdara, c’est Tiébilé Dramé qui nous quittait, le mardi 12 août 2025, à Paris des suites d’une longue maladie. Il avait 70 ans. Ses obsèques ont lieu le 15 août à Bamako sur le terrain de football de Magnambougou. Il repose au cimetière de Faladié. Né en 1955 à Nioro du Sahel, l’ancien dirigeant estudiantin avait combattu avec ses camarades le régime dictatorial de Moussa Traoré (1968-1991). Il a été incarcéré plusieurs fois par le régime militaire entre 1977 et 1980.
Acteur incontournable de la scène politique malienne de ces cinquante dernières années, il avait pris du recul depuis le coup d’Etat qui a renversé Ibrahim Boubacar Kéita en août 2020 et dont il était le ministre des Affaires étrangères.Tiébilé Dramé a occupé des fonctions sur le plan national et international, comme une mission de médiation à Haïti pour le compte des Nations unies au début des années 1990. Après la chute de Moussa Traoré, il a été ministre des Affaires étrangères de 1991 à 1992 dans le gouvernement de Transition.
Entre-temps, il a créé « Le Républicain », devenu l’un des principaux quotidiens du Mali. En 1995, il fonde le Parena et participe aux scrutins présidentiels de 2002 et 2007. Sous la présidence d’Alpha Oumar Konaré, on lui confie le portefeuille du ministère des Zones arides et semi-arides de 1996 à 1997. En 2013, Dioncounda Traoré, le président de la Transition, le nomme conseiller spécial chargé des négociations avec les groupes armés du Nord. Les pourparlers sont organisés à Ouagadougou. Le 18 juin 2013, un accord de paix est signé qui débouche un mois plus tard sur une élection présidentielle. Cette année-là, à l’élection présidentielle, il renonce à sa candidature pour soutenir Soumaïla Cissé, battu par IBK.
Le vendredi 6 juin 2025, jour de Tabaski au Mali, le pays est frappé par la triste nouvelle : Ibrahima Ndiaye, communément appelé Iba Ndiaye, personnalité influente du Mouvement démocratique malien, est décédé en Tunisie. Une annonce accueillie avec une profonde émotion à travers le pays. Sa disparition marquait la fin d’un parcours exceptionnel, dédié au service de la nation et aux idéaux démocratiques.
Né le 2 mai 1948 à Kayes, Iba N’Diaye laisse derrière lui un héritage professionnel et politique remarquable. Il fut notamment ancien maire du district de Bamako. Son expertise fut également mise à profit au sein de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), qu’il a dirigée en tant que directeur général, avant d’occuper le poste de ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Ces responsabilités successives illustrent sa contribution significative aux domaines clés de la vie publique malienne. Iba fut secrétaire général de l’Adéma/PASJ en 1994, puis vice-président du parti en 1999, avant de rejoindre l’URD de feu Soumaïla Cissé au poste de vice-président.Iba Ndiaye faisait partie de ces personnalités dont l’action a profondément influencé la vie publique malienne, laissant une empreinte durable en faveur de la démocratie, de l’emploi et du progrès social. Iba bouclait un dernier semestre 2025 suffisamment morbide pour le Mali.
El Hadj A. B HAIDARA