Le député français du pouvoir Bruno Fuchs souhaite se rendre au Tchad pour rencontrer l’opposant en détention Succès Masra, cela pour des raisons humanitaires.

C’est un procès qui attend l’opposant en détention Succès Masra. Le juge d’instruction a décidé de transmettre son dossier à la cour criminelle du Tchad. Ses avocats ont dénoncé cette décision du juge d’instruction. Ils ont également dénoncé jeudi (17.07.2025) une « machination politique » et un procès politique.  

Le député français Bruno Fuchs souhaite rencontrer l’opposant tchadien Succès Masra. Ceci pour des raisons humanitaires. L’ex-Premier ministre tchadien a été arrêté depuis le 16 mai, notamment pour incitation à la haine, deux jours après le massacre d’une quarantaine de personnes dans le sud du Tchad.

En annonçant son intention d’aller au Tchad, le député du Modem et président de la Commission des Affaires étrangères au parlement français écarte toute idée de pression sur la justice tchadienne.

DW : Que comptez-vous faire ou obtenir en allant visiter l’opposant en prison Succès Masra au Tchad ?

Bruno Fuchs : Le Tchad a signé la convention de la Charte de la francophonie et donc dans la charte de la francophonie, il y a un respect d’un certain nombre de valeurs, notamment humaines, et donc d’aller voir un responsable politique important au Tchad me paraît une démarche purement humaine, humanitaire, voir comment il va, dans quelles conditions il est détenu. Et s’il est dans un processus judiciaire qui est conforme, dans lequel il peut défendre ses droits.

L’objectif, ce n’est pas forcément parvenir à sa libération ?

Après, il y a un processus judiciaire au Tchad, nous sommes à l’extérieur, nous ne pouvons pas interférer dans les processus judiciaires. C’est surtout voir comment il va, lui redonner un petit peu le moral.

Les autorités tchadiennes se sont opposées à la venue d’avocats étrangers, notamment d’avocats français. Quel accueil pensez-vous recevoir ? Ou sinon pensez-vous qu’une visite au Tchad vous sera refusée ?

Moi je parle à tout le monde, je parle aux autorités du Tchad. J’étais au Tchad souvent, je suis dans un esprit tout à fait apaisé, tout à fait calme. Et donc je n’y vais pas dans un esprit partisan, loin de là, et surtout pas dans une forme d’ingérence.

Pensez-vous que cela rendra service à Succès Masra si une pression vient de la France, sachant que Paris semble dans une posture de recherche d’apaisement avec N’Djamena, pour éviter que le Tchad ne rejoigne l’AES ?

Il n’y a aucune pression. D’abord, c’est une position d’un parlementaire, ce n’est pas une relation d’Etat à Etat, c’est un parlementaire français. Et c’est cette démarche personnelle que j’engage.

Comment évaluez-vous la position du gouvernement français sur ce dossier ? La France est silencieuse ?

La France publiquement est silencieuse, Paris ne fait pas de pression. Donc je pense qu’on a demandé des informations certainement sur la situation de Monsieur Masra. Mais je ne pense pas que Paris soit intervenu dans le dans le dossier pour demander quelque chose.

On a évoqué l’AES tout à l’heure, les relations ne sont pas bonnes, c’est le cas de le dire avec ces 3 pays. Mais de manière générale, les relations de la France avec les pays francophones ne sont pas vraiment bonnes. Que pensez-vous de ces relations avec l’Afrique ? Et puis comment Paris peut peut soigner ses relations avec le continent ?

Si vous prenez les pays anglophones, la plupart des pays anglophones, les relations sont très bonnes et politiquement et économiquement. Ensuite, il faut regarder la zone francophone et particulièrement les anciennes colonies.

Et c’est vrai que lier cette histoire coloniale, il y a des relations qui sont compliquées et elles sont aussi attisées un par un certain nombre de comportements ou de gestes que les Français font et qui aujourd’hui ne sont plus acceptés ou admis par nos partenaires africains.

Et puis un certain nombre de concurrents en Afrique qui ont monté des systèmes de communication et de désinformation pour pousser une partie, notamment de la jeunesse, vers une radicalisation contre la France.

Vous pensez à la Russie, la Turquie, la Chine ?

Voilà oui, la Russie bien évidemment, de façon très manifeste. Il faut aider nos partenaires africains à se développer, à développer des filières industrielles avec des partages de la valeur qui soit équitable et juste. Certains Français ont encore une attitude un peu automatique. Il faut qu’on change.

Sur l’AES, est-ce que vous pensez que la France gagnerait à mieux revoir ses relations avec ces 3 pays-là où la France n’est plus ?

Non, je pense qu’il faut continuer. Nous, parlementaires, on continue de parler avec les autorités du Mali, avec le Niger, avec le Burkina Faso.

Ils accusent clairement parfois la France de vouloir les déstabiliser. 

Oui, mais ça c’est aussi une façon. Quand vous avez peu de résultats et on voit dans quelles difficultés sécuritaires, économiques et démocratiques sont les 3 pays de l’AES. Vous avez besoin de désigner un ennemi.

Par exemple au Niger, ils pensent qu’on a des troupes armées de l’autre côté de la frontière. Et donc c’est pour ça qu’ils n’ouvrent pas la frontière avec le Bénin, c’est des choses qui sont complètement surréalistes. C’est inventé ! Le Niger n’a pas voulu que Air France survole son espace aérien, parce qu’il pense que Air France peut bombarder le Niger. Honnêtement, il y a un certain nombre d’arguments qui sont complètement enfin… qui n’ont pas de sens. Cela n’empêche pas, et je l’ai dit avant, que les Français doivent évoluer dans leurs relations avec les pays d’Afrique francophone, mais sur les pays de l’AES, c’est beaucoup, beaucoup d’arguments extrêmement artificiels.

Beaucoup de pays africains sont concernés ou pourraient être concernés par le travel ban de Donald Trump. Est-ce que la France peut jouer un rôle en étant une terre d’accueil, une alternative à ce travel ban américain en accueillant des étudiants, des entrepreneurs par exemple ?

La France, de façon générale, indépendamment de ça, elle doit renforcer sa politique de bourse, sa politique d’accueil avec des étudiants, des chercheurs, des cadres. Et l’Europe et l’Afrique ont à gagner à former la jeunesse et à leur proposer donc un emploi qui leur permette de développer leur pays, quel que soit le pays dont ils sont originaires.

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