Récemment à l’Institut des Sciences humaines du Mali, j’ai aperçu Assétou Founè Samaké, ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique du Mali et Professeur titulaire de biologie. Je lui ai rendu, non sans soulagement, un hommage qui me tenait à cœur. M’approchant d’elle, je lui ai dit « Merci Professeur pour tout ce que vous avez fait pour la recherche scientifique au Mali ». Avec ce sourire qui ne la quitte jamais, elle m’a répondu « Merci », détachant son regard de ce qui l’occupait et me fixer droit dans les yeux. Pas sûr qu’elle m’eut reconnu, mais bon ce n’était pas ça l’essentiel.
Qu’a-t-elle fait pour la recherche scientifique au Mali ?
Le 28 décembre 2015, IBK préside la cérémonie solennelle de la rentrée universitaire 2015-2016. Le Prof Assétou Founé Samaké alors Conseiller technique au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique est chargé d’exposer la leçon inaugurale. Sur le thème « la recherche scientifique : moteur du développement ». La biologiste impressionne le Chef de l’Etat qui, dans l’urgence, scinde le département.
Le 15 janvier 2016, soit deux semaines après, le ministère de la Recherche scientifique fut créé et confié au Prof Assétou Founé Samaké. Le défi est immense dans un pays où 70 % des fonds de recherche viennent de l’extérieur. Assétou fait peser de tout son poids (au figuré) pour opérationnaliser le Fonds compétitif pour la recherche et l’innovation technologique (FCRIT) institué en 2011 sous ATT, sans être effectif. Sous son impulsion, l’Etat du Mali décide d’allouer désormais 0,2% de ses recettes fiscales à la recherche ‘’souveraine’’.
En 2017, les premiers projets (45) financés par ce fonds ont vu le jour, un second appel à candidature est lancé en 2018. Entre temps, l’élection présidentielle est terminée, et Assétou Founè est remerciée. Le gouvernement est plus que jamais politisé pour remercier certains et apaiser d’autres en protestation.
Le problème ?
Mon problème ? c’est que depuis le départ du Prof Assétou Founé Samaké le FCRIT est stand-by. Le fonds de seulement 1 milliard FCFA n’est plus alimenté. Pourtant le mécanisme d’alimentation du fonds est là et bien opérationnel. L’argent rentre, il est redirigé ailleurs, officiellement pour des raisons de « coupes budgétaires ». Sauf que pendant ce temps les budgets des institutions, même celles qui n’ont jamais fonctionné, augmentent d’année en année.
On se tape la poitrine pour dire que le Mali va bientôt produire le vaccin antipaludéen ; on oublie que le MRTC est financé par l’extérieur. On se tape la poitrine pour dire que le Mali va devenir premier producteur de coton ; on oublie que l’AFD finance la recherche sur le coton et son adaptation aux caprices du climat.
Les infrastructures sont maliennes, les cerveaux sont maliens, mais les résultats de la recherche ne sont pas maliens. « Ils n’ont rien inventé », j’entends constamment cette plainte à l’encontre du scientifique malien. « Mon Dieu pardonnez-les, ils ne savent ce qu’ils disent », j’ai envie de rétorquer. Que l’Etat du Mali leur mette un fonds conséquent à disposition avec obligation de résultats, on verra s’il ne sera pas décaissé. Saviez- vous que l’US Air force finance les travaux d’un scientifique malien ? Saviez-vous qu’à 26 ans un immunologue malien mène la recherche sur le cancer à l’Institut francis crick de Londres ? Savez-vous que le premier africain à diriger une université au Japon est malien ? Savez-vous qu’un scientifique malien est vice-président du GIEC ? Avez-vous entendu parler de l’astrophysicienne Fatoumata Kébé ?
On leur déroule le tapis rouge ailleurs. Ici, on leur garantit le mépris, refusant même l’accès aux semblants d’universités que nous avons. A croire que la culture de la médiocrité gangrène tous les segments de notre société. On approfondira ce point dans un autre texte, inchallah !
La recherche doit être une question de souveraineté nationale. Aucun pays ne se développe sans le développement industriel et l’industrie c’est la recherche. A lui seul, le groupe Orange détenait, en 2010, 19 centres de recherche dans le monde, pour un budget annuel d’environ 1 milliard d’euros. Croire que vous allez avoir le forfait gratuitement pour lire ce texte est illusoire ?
La recherche est un investissement à long terme, alors Merci Professeur ! Vous qui avez pensez à l’avenir des prochaines générations sous des cieux où l’on ne pense qu’à construire le maximum de villas en un temps record. Vivement une femme présidente de la République du Mali !
Ajoutez un commentaire